Mon avis de nutritionniste sur les multivitamines

Mon avis de nutritionniste sur les multivitamines

Le dernier rapport de Statistique Canada indiquait qu’en 2015, 53% des femmes et 38% des hommes canadiens (tous âges confondus), prenaient un supplément de vitamine(s) et minéral(aux). Le plus commun? La multivitamine, consommée par presque le quart des Canadiens. Mais pourquoi prendre un supplément? Par peur que votre alimentation ne vous fournisse pas assez de micronutriments? Parce que votre amie en prend et dit se sentir mieux depuis? Pour mieux performer? Peu importe la raison, voici quelques points importants à savoir afin de vous aider à déterminer si vous pourriez en bénéficier.

Qu’est-ce qu’un supplément?

Mettons les choses au clair. Un supplément porte bien son nom : il n’est pas nécessaire, mais bien supplémentaire à votre alimentation. Il s’agit d’un concentré d’un ou de plusieurs vitamines, minéraux, herbes ou éléments nutritifs, compactés dans une pilule à prendre de façon quotidienne ou hebdomadaire. La majorité des suppléments sont disponibles en vente libre, bien que certains nécessitent une prescription étant donné leur forme (B12 injectable, par exemple), ou leur dosage.

 
Est-ce sécuritaire?

Les multivitamines sont habituellement sécuritaires puisqu’elles fournissent chacun des principaux micronutriments en quantités modérées à élevées (certains d’entre eux sont parfois présents en quantités supérieures aux besoins journaliers). En respectant la posologie et en utilisant un supplément adapté à votre âge, les risques de surdose et d’effets secondaires sont donc assez faibles. De leur côté, les suppléments individuels peuvent contenir des méga-doses d’un nutriment. Leur consommation pourrait entraîner des effets secondaires néfastes et même, dans les cas plus extrêmes, mettre votre santé en danger. Par exemple, les suppléments de fer sont réputés pour entrainer la constipation, ceux de calcium peuvent causer des douleurs abdominales, et une surdose de B6 peut engendrer des dommages neurologiques. Il est difficile de faire un excès alimentaire qui vous ferait dépasser l’apport maximal tolérable (la dose à partir de laquelle le risque d’effets indésirables augmente). Or, il peut être facile de dépasser cette dose en avalant une gélule de trop.

 
Peut-on atteindre les apports recommandés avec l’alimentation seulement?

Si vous mangez suffisamment et bien, les chances sont fortes que vous ne bénéficierez pas vraiment d’un supplément. Mais « bien manger », c’est quoi exactement? Comme de nombreuses bonnes réponses existent pour cette question, il est difficile de savoir, à moins de consulter un nutritionniste. Et encore, la marge d’erreur est plutôt grande. 

En général, vos apports en plusieurs des micronutriments sont probablement adéquats. Or, certains vitamines ou minéraux sont présents en très petites quantités dans les aliments, ou ne le sont que dans certains d’entre eux. Ainsi, si vous mangez peu de ces aliments, les risques de carences augmentent. Particulièrement, le fer, les vitamines B12, D et l’acide folique sont à surveiller chez certains groupes d’individus (voir le tableau). Si vous vous retrouvez dans l’une de ces catégories, pensez à consulter votre médecin ou un nutritionniste qui pourront évaluer votre état de santé et votre alimentation afin de déterminer si un supplément pourrait vous être bénéfique.  

Bien sûr, ce tableau non exhaustif n’inclus pas les maladies graves et/ou spécifiques. Par exemple, une personne anémique (déficience en fer) devra prendre, du moins temporairement, un supplément de fer jusqu’à ce que son bilan martial se révèle normal. D’un autre côté, si votre alimentation n’est pas du tout équilibrée, ne pensez pas qu’une multivitamine améliorera significativement votre santé et réduira vos risques de maladies chroniques. 

Groupe Exemples de facteurs pouvant réduire les apports en nutriments Exemples de facteurs pouvant augmenter les besoins en certains nutriments Principaux nutriments à surveiller
Personnes âgées

- Faible appétit

- Diminution du métabolisme de base lié à l’âge et donc de l’apport énergétique

- Médication altérant le goût ou entraînant des inconforts gastro-intestinaux

- Certain médicaments diminuent l’absorption des nutriments (ex : Cholestyramine (Questran) diminue l’absorption de la vitamine E)


- Certaines pathologies augmentent les besoins en nutriments (ex : plaies de pression)

- Mauvaise absorption intestinale (ex : B12)

- Protéines

- Fibres

- Vitamine D

- Vitamine B12

- Fer

Végétariens/ végétaliens

- Exclusion de certains aliments ou groupes d’aliments

- Biodisponibilité plus faible du fer d’origine végétale vs animale

- Fer

- B12

- Vitamine D

Individus vivant au nord du 35èmeparallèle en hiver (Canadiens)

- L’angle du soleil sur la terre empêche la synthèse de vitamine D par la peau pendant les mois d’hiver.

- Vitamine D

Femmes enceintes ou qui allaitent

- Nausées en début de grossesse

- Stress et fatigue associés

- Gestation (synthèse des tissus fœtaux)

- Lactation

- Acide folique

- Fer

Fumeurs

Absorption diminuée

- Vitamine C
À considérer

La plupart du temps, les aliments ont une longueur d’avance sur les suppléments. En effet, l’aliment vient avec ses micronutriments, mais également avec des antioxydants, des fibres, des bons gras, des protéines, etc., qui sont nécessaires à votre bonne santé.

Une bouteille de multivitamines coute en moyenne de dix à 20 dollars et vous durera d’un à deux mois. Il s’agit donc d’un supplément abordable qui peut vous assurer un apport de base en chacun des micronutriments, si vous avez de la difficulté à varier ou à adapter votre alimentation.

 
Ce qu’en dit la science

Globalement, les revues de littérature (qui font la synthèses des résultats des études sur un sujet donné), concluent que la consommation d’une multivitamine n’est pas ou dans quelques cas, est faiblement associée, au risque de souffrir de diverses maladies chroniques (cancer, maladies cardiovasculaires, maladies reliées à la cognition, etc.). Comme la variété des types d’études est grande et que plusieurs ne se sont attardées qu’à certains segments de la population, il demeure difficile de généraliser les résultats. La réponse individuelle est aussi importante : les médicaments que vous prenez, vos habitudes de vie (ex : tabagisme), vos apports alimentaires (quantitatifs et qualitatifs), vos antécédents, votre âge et votre sexe sont tous des facteurs à considérer.

Ce qu’il faut donc retenir :
  • Les aliments devraient toujours être votre option numéro 1 (à moins d’une carence diagnostiquée par une prise sanguine et nécessitant une supplémentation plus rigoureuse).
  • Les multivitamines ne sont pas nécessaires, mais peuvent vous aider à combler vos besoins en micronutriments.
  • La prise d’une multivitamine n’améliorera pas nécessairement votre santé.
  • Les multivitamines sont généralement sécuritaires.
  • Choisissez un supplément avec un NPN (numéro de produit naturel), inscrit sur l’étiquette. Cela certifie que le supplément a été jugé « sûr, efficace et de haute qualité dans les conditions d’utilisation recommandées ».

En terminant, comment savoir si vous avez besoins d’un supplément? Rencontrez un nutritionniste ou parlez-en à votre médecin ou votre pharmacien. Le nutritionniste pourra vérifier si votre alimentation semble vous fournir tout ce dont vous avez besoin en fonction de votre propre style de vie. Votre médecin ou pharmacien pourra évaluer les bénéfices d’un suppléments en considérant votre condition médicale et les interactions possibles avec votre médication, si c’est le cas. Votre médecin pourra aussi vous prescrire des prises de sang pour juger de la pertinence d’une telle supplémentation.

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